Actualités de décembre 2024

Dieu s’est fait homme, pas travailleur.

 

 

 

 

La crèche des migrants de Sant’Antonio à Saint-Gall nous montre la foi de nos ancêtres : Dieu devient l’un de nous. Il se glisse dans notre peau, rend hommage à notre détresse et la guérit au plus profond. Les gestes de nombreux personnages montrent la gratitude des gens pour le fait que Dieu s’associe à notre histoire.

Emerveillée, la liturgie de la nuit de Noël tente de mettre des mots sur cette attention :
Tu as fait un merveilleux échange :
Ta parole divine est devenue un homme mortel,
et nous, les hommes mortels, recevons en Christ
ta vie divine.

 

 

Les personnages évoluent dans le cycle du jour et de la nuit. Le soleil se lève et les hommes commencent leur journée de travail : ils scient, martèlent, pêchent, labourent, sarclent, moulent le grain, ramassent les œufs, vendangent, réparent les filets, ressemellent les chaussures, cuisinent, lavent, gardent les enfants, empêchent l’homme de boire et bien d’autres choses encore. Ce qui est beau comme ce qui est difficile est déposé devant Dieu.

 

 

Mais la crèche Sant’Antonio a aussi beaucoup à voir avec la politique suisse. Elle montre comment les Italiens se sont rencontrés, ont fait la fête, se sont donné de l’espoir, ont dû digérer la séparation forcée de leur femme et de leurs enfants, ont tremblé pour leur carte de séjour et ont prié. Autour d’eux, des affiches mettaient en garde contre l' »Überfremdung », les insultes envers les Italiens étaient monnaie courante.

Nous avons fait appel à des travailleurs …

Avec l’aide du statut de saisonnier, on voulait recruter de la main-d’œuvre pour la construction, l’industrie et le tourisme, sans droit d’établissement, de regroupement familial et de changement d’emploi. De 1949 à 1973, 50 000 enfants ont ainsi été cachés en Suisse *). Jusque dans les années 1990, ils n’étaient pas scolarisés et leur développement était entravé. De plus, de nombreux enfants vivaient en Italie chez leurs grands-parents ou dans des foyers. Au total, un demi-million d’enfants étaient concernés.
Le statut a servi d’amortisseur conjoncturel dans les années 70, car il n’y avait pas encore d’assurance chômage. 300 000 travailleurs n’obtenaient plus de permis de travail, ils n’avaient plus le droit d’entrer dans le pays.
L’abolition du statut de saisonnier a eu lieu après une longue lutte politique : 75% des Suisses ont voté sur l’initiative Schwarzenbach, alors qu’en 1981, seuls 16% se sont prononcés en faveur de la suppression de la séparation des familles, un record pour le rejet d’une initiative populaire fédérale. Le statut a été aboli en 2002 sous la pression de l’Union européenne. Sa réintroduction a échoué au Parlement en 2004.

… et des gens sont venus

On a appelé de la main-d’œuvre, mais des gens sont venus, a écrit Max Frisch. D’un côté, le statut a permis à des centaines de milliers d’Italiens de sortir du chômage. D’un autre côté, il a imposé la séparation aux familles.
Le message de Bethléem contraste fortement avec la réalité vécue par de nombreuses familles et personnes italiennes en Suisse. Dans ce contexte, leur désir de fêter Noël ensemble est plus que compréhensible.
C’est précisément à cette crèche que la question de savoir pourquoi il existe encore aujourd’hui plusieurs centaines de millions de travailleurs migrants et forcés

 

 

Je vous souhaite un Avent béni,
un joyeux Noël et
un bon départ dans la nouvelle année.

 

 

St. Gallen, fin novembre 2024 par Peter Oberholzer


*) Enquête Toni Ricciardi, 2022

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